Banque chtimi : une banque de mots chtis

Episode 6


Episode 6

S’préparer pour l’avinture

 

 

Le lendemain matin, les bâillements bruyants et les étirements craquants de Guylain servirent de réveil pour Gabou. Puis le long petit-déjeuner donna suite à la courte toilette. Frais et disposé, Guylain alla chercher une carte du pays et la déplia sur la table. Puis il alla chercher sa petite paire de lunettes qu’il plaça sur son museau. Puis, tel un capitaine devant son état-major, il réfléchit à une stratégie de recherche. Gabou impuissant, l’observe attentivement et attend de son compagnon les ordres à suivre. Pendant quelques instants ce fut le silence complet : Guylain extrêmement concentré, se grattait la tête pendant que Gabou passait le doigt dans ses moustaches. Puis Guylain, toussota pour éclaircir sa voix et sortit de son mutisme :

« - Amoute* Gabou. Té vos, ichi ch’est Wissant et là ch’est Saint-Malo, dit-il en montrant du doigt ces lieux stratégiques. T’en as fait du quemin min copain-ye* hein ?

- C’est bien connu, le transport maritime c’est plus rapide que le transport routier.

- Asteur, i faudrot saveoir d’où qu’in va. Sot in va vers Calais*, sot in va vers Boulonne. Quo t’in pinses min fiu ?

- Hum ! Pas facile de choisir, je te propose de choisir à la « queue maligne ».

-  Quo ch’est cha el « tcheue  maline ?

- C’est simple, je tiens ma queue dans la main, je la tourne autour de ma main et je la lâche sur le sol. Si elle tombe à droite, on part vers Calais et si elle tombe à gauche, on part vers Boulogne. Qu’en dis-tu ?

- D’accord, ed toute fachon ch’est à ti d’déchider. »

Gabou ferma les yeux et espéra de tout son cœur que la providence lui fut favorable. Puis se concentrant de toutes ses forces, comme s’il devait fournir un effort suprême, prit sa queue et se mit à la faire voltiger dans les airs. Pour ajouter du suspense à son numéro, le voilà qui se prend pour un grand illusionniste et prenant un ton ostentatoire, ajoute des commentaires à ses gestes :

- Attention, attention, je secoue ma queue, je me concentre, attention et HOP je la lâche. »

La queue tomba à droite, la providence ou la magie du numéro avait décidé : c’est vers Calais qu’il faudrait aller. Bien sûr, il n’y a rien de bien rationnel là dedans mais c’est ainsi chez les souris. Le temps est passé si vite en cette matinée fraiche mais ensoleillée de janvier et midi approche à grands pas, alors Gabou proposa de jouer les chefs cuistots et de partir en début d’après-midi.

« -Quo té vas faire à minger biloute ?

- des  spécialités bretonnes pardi !

- Super, j’ay déjà l’iau à l’bouque.»

Alors que Gabou furetait dans tous les placards de cuisine les ustensiles et les ingrédients nécessaires pour préparer sa petite tambouille bretonne, Guylain, quant à lui, parcourait encore dans les armoires les affaires nécessaires pour l’expédition. Au même moment, les assiettes sont posées sur la table et les sacs devant la porte. Puis d’agréables senteurs vinrent chatouiller les moustaches de Guylain.

« -Vinguette*, cha sint drôlemint bon ichi dins !

- Eh oui mon ami, en plus d’être un grand séducteur, je suis aussi un grand cuisinier. Installe-toi et j’arrive avec l’entrée.»

Guylain n’attendit pas qu’on lui redise deux fois. La serviette autour du coup et le couteau et la fourchette au garde-à-vous dans les mains, il attendit patiemment d’être servi.

« -Ej sus prêt, ches sacs sont rimplis mais min vinte i est wite*. Lança-t-il en direction de la cuisine.

- J’ai entendu le message Guylain, ça vient. Mais dis-moi, tu ne serais pas un goulafe toi aussi ?

- Hein, mi un goulafe ? Un vinte que disot m’mère. Ichi in a quer* des boennes cosses.

- Quer ? Qu’est ce que cela veut dire ?

- Ca veut dire « cher » ou plutôt « aimer ».

- Ah bon et bien j’espère que tu ne seras pas déçu. Voilà ce que j’ai préparé : des galettes bretonnes au jambon et au fromage.

- Des galettes mais chez nousaute in appelle cha des   faluches ?

- La galette, c’est universelle. Dis-moi Guylain, aurais-tu du cidre pour accompagner ?

- Nin, j’n’ai pons cha pour aller avec mais j’ai dal frênette*, té vas vir ch’est bon auchi.

- Et bien comme ça, ce sera un repas ch’timi-breton.

- Ch’est cha, bon ej commince car mi j’ai l’dalle.

- Voici la première crêpe pour monsieur, bon appétit ! »

Nos deux gourmands engloutirent les galettes les unes après les autres. Il faut dire que Gabou, par fierté bretonne voulait toujours avoir une galette d’avance sur son ami ch’timi. Autant dire qu’il y avait de l’ambiance chez ces deux gourmands. Puis la pendule sonna les deux coups des deux heures, un coup pour chacun pour annoncer le départ imminent. La vaisselle ne fut pas longue contrairement à l’habillage au allure d’emmitouflage moscovite. Cette fois-ci, il fallait y aller.

 

 

Aides pour la compréhension :

amoute : Viens voir                                                                              vinguette : bon sang                 

frênette : petite boisson peu alcoolisée fait à base de frêne                     wite : vide                    


20/11/2016
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