Banque chtimi : une banque de mots chtis

Episode 14


Episode 14

 

Episode  14 : Le Portel

L’organisation

 

Les deux souris s’éloignèrent du château, ce lieu devenait trop risqué pour elles. Milord avait sans doute appelé la garde à son secours et peut-être bien, constitué une armée de mercenaires composée de chouettes et de hiboux sanguinaires. La nécessité de trouver un endroit sûr s’imposait alors. Alors nos souris choisirent la facilité et s’installèrent dans un groupement de poubelles à quelques encablures de là. Le coin était sale certes, mais bien tranquille. Nos souris se confectionnèrent un abri de fortune avec des cartons qui étaient là et allèrent se coucher. Nina se mit à faire de drôles de rêves car dans sa tête tout se mélangeait : des chats habillés en capitaine, des crevettes au garde-à-vous, sans oublier Gabou qui était devenu châtelain et qui parlait un mélange de ch’ti et d’anglais. Au petit matin, Ernestine alla, une fois de plus, réveiller son amie qui comme d’habitude ronflait comme un cochon. Au petit matin, elles trouvèrent un bon morceau de brioche périmée d’une journée qui leur procura un copieux petit-déjeuner. Comme elles ont tout laissé au château et qu’elles n’ont pas envie d’y retourner, elles décidèrent de se rééquiper en tout. Alors Nina prit un crayon et fit une liste : il faut des vêtements chauds, du matériel de camping, une carte précise de la région et aussi de quoi manger. Ernestine connaît une bonne adresse : une petite boutique à Le Portel où l’on trouve de tout. Les voilà donc parties d’un pas assuré. Après quelques heures de marche, elles arrivèrent sur place, Ernestine ne retrouva plus la boutique en question, pourtant elle est sûre de l’adresse.

« Il faut qu’in aille boulevard Rieu de Cat, ch’est eune rue derrière el digue.

- Quel drôle de nom de rue !

- Avint ches pêqueux n’aimotent pas gramind ches souris !

- Ah bon et pourquoi ?

- Parce que nos taïons faisotent des trews dans leu filets !

- Ah bon, heureusement que les temps ont changé et qu’on n’est plus obligé de manger des filets : Je préfère de loin le maquereau et la bonne tarte au chuc.

- T’as bin raison, allons d’minder note quemin à un brafe mais si possipe pons à Rieu ch’cat. »

Nos touristes rencontrèrent une petite musaraigne avec un gros sac sur le dos. Ernestine l’interpella:

« - Eh salut biloute, in cache ch’rue Rieu de cat, té sais d’où qu’cha s’troufe ?

- Ch’est tout simpe, té vas tout drot, pis té tounes à drote pis volà, t’y es dins l’rue.

- Marci, dis-me quo qu’i y a dins tin sac ?

- Des viers pour min casse-croûte.

- Des vers beurk ! Reprirent en choeur nos souris. Merci et bon appétit. 

- Dis-moi Ernestine, tu ne prononces pas le « oi » ?

- En fait oui et non, l’accint fait qu’in intend des [ o ] et pos des [ oi ].

- Eh que veut dire biloute ?

- Biloute ch’est commint dire ? Un garchon qui a un tchiot vier dins s’maronne* ! »

Nos voyageuses finirent par trouver la rue « Rieu de cat ». Cependant elles n’étaient pas rassurées. Elles s’imaginaient voir bondir sur elles un ancêtre de Rieu ou bien un cousin lointain de Milord. Après quelques pas de souris, nos voyageuses arrivent enfin au lieu dit; la musaraigne, mangeuse de vers, les avait bien renseignées. Sur le panonceau était écrit : « La souricière d’Ali Baba ». « Tiens avint cha s’appelot La taupinière d’Ali Baba , cha a dû cangé* ed propriétaire ! » fit remarquer Ernestine à Nina. En poussant la porte, retentit un « Miaou, Miaou ! » ce qui bien-sûr fit sursauter nos petites aventurières. Une vieille souris, sortie d’une boîte d’allumettes, rassure nos souris : « Ch’est rin mes gins, j’ay rimplaché l’cloquette par un signal électronique qui fait Miaou, ch’est rigolo non ? ». Même si nos souris ne manquent pas d’humour, elles ne raffolent pas trop ce type de plaisanteries. Enfin à première vue, ce magasin porte bien son nom : il y a des étagères partout sur lesquels sommeillent un tas d’objets, il y a aussi des choses qui pendouillent au plafond et des cartons qui traînent dans les allées … bref un vrai capharnaüm.

« Mi ch’est Fefer et ch’est Fefer y a des affaires à faire ! .Alors mes jolies que désirez-vous ? Ici il y a d’tout sauf des tapettes à souris bien intindu, ricane le vendeur.

- Dites-me m’sieur Fefer, quo qu’est devenu l’ancin propriétaire ?

- I a vindu car i aveut l’berlu* ch’pauf fouan*.

- Ah bon et quo qui fait-il asteur ?

- I vind des viers et des asticots.

- Pour ches pêqueux d’ch’Portel ?

- Nin pour ches musaraignes. Mais dites-me quo qui vos amène par ichi ?»

Alors Nina sort sa liste et essaie de parler patois.

- Alors, on voudrot des habits quauds, du matériel ed camping pis une cart’ delle région.

- Ch’est bin, lui dit Ernestine, vingt sur vingt.

- Tu prononces le « t » de vingt.

- Eh oui, ici in bot du vin et in compte les vingt.

Voilà le vendeur parti à l’assaut de ses cartons. Nos jolies souris entendent des : « Ch’est pas là !» où alors « ch’est pas là non plus !» ou encore « Vindious, d’où ch’est j’ay ringé chà mi ! ».

Pendant ce temps là, au moins vingt bonnes minutes, nos jolies souris attendent patiemment assises sur des cartons qui traînaient là. Excédée par l’attente, Nina dit :

« Quel dallache, eune vaque n’artrouvrot pons sin viau! »

Nina rit. « Je crois avoir compris, dit-elle, vous avez des expressions vraiment amusantes par chez-vous. 

-C’est bin vrai, dit-elle, j’vas t’en apprinne eune aute. Té vos Fefer i raconte des carabistoules* donc in peut dire : Ch’ti-lal i est né in Bétanie !.

- Bétanie ?, reprend Nina

- Bin oui Bêtanie !, j’cros bin ti auchi t’es né à Bêtanie mais pos dins l’minme provinche.

- Moqueuse, lui répondit Nina qui vient de comprendre.

- Quind ej’vos chet indrot, cha m’fait pinser à eune histoere ed Cafougnette.

- C’est qui Cafougnette.

- Cafougnette ch’est le personnage de Jules Mousseron un artiste patoisant dalle région qui fait toudis des bêtisses. Alors acoute chà, té vas rire :

« Ch’est Cafougnette qui va dins ein' animalerie et d'minde à commerchant:

- j'voudros ein' douzaine ed' souris, des rats, quelques cafards et eeeuhhhh... vous n'aurotes pas des araignées.

Mais quô qu'ch'est vous allez faire avec cha ?

- Ch’est min propio, qui m'deminde ed rindre l'mason dins l'état qu'j'lai eu... »

Et nos deux souris se mettent à rire aux éclats et à ce moment là on entend quelque part dans le magasin un grand « ahhhh ». C’est Fefer qui a dégringolé d’une étagère et se retrouve étalé comme une carpette, un carton de vêtement sur la tête.

« - Bravo, vous avez trouvez des vêtements, continuez ainsi  » reprirent en chœur nos souris. Il faudra encore vingt minutes pour trouver le matériel de camping. Quant à la carte de la région pas moyen de la localiser. Quand soudain Nina s’écrit : «Ne cherchez plus Fefer j’ai les cartes sous mon derrière ». Cette petite rime fit rire nos clientes ainsi que Fefer, friand de ce type d’humour, en fait Nina était, depuis le début, assiste sur le carton en question.

 

Aides pour la compréhension :

maronne : pantalon

la berlu : loucher                                                                      carabistoules : sornettes


28/10/2018
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