Banque chtimi : une banque de mots chtis

Episode 4


Episode 4

La mésavinture

Nouvel an à la mer, nouvel an amer

 

Le changement de décors et l’accueil que lui avait réservé Guylain avait réussi à changer les idées de Gabou. Guylain attendit que Gabou ait retrouvé ses couleurs et un peu de gaité avant de lui demander ce qui s’était passé. 

« Dis-me Gabou, va falleoir que té m’racontes chou qui ch’est passé ?

- Bien voilà. J’étais en bateau, ou plutôt en barque avec mon amie Nina. Nina c’est ma copine c’est un véritable canon de beauté et en plus elle est gentille et très drôle.

- Oh, oh ! T’as eune photo su ti ?

- Malheureusement non, mais tu vois Marylin Monroe ? Et bien Nina est dix fois plus jolie qu’elle. C’est pour dire.

- T’as bin dal chance min coco, té ne te refusses rin.

- C’est pourquoi, je devais jouer le grand jeu : pour le nouvel an, je l’ai invité en croisière autour de la Bretagne de Vannes à Saint Malo. Moi qui suis un grand séducteur, j’avais tout prévu : fromage à gogo, musique douce et bougies odorantes et rouges, couleur de l’amour…

- Bin dis donc min coco, té sais y faire aveuc ches files.

- Eh oui, en plus c’était moi le capitaine, l’uniforme ça épate les filles. C’est ensuite que ça s’est gâté. Tout d’un coup, le vent se leva et il commença à pleuvoir, le ciel s’obscurcit et il tomba des éclairs de partout, les vagues étaient énormes plus de dix mètres.

- Dix mètes, té n’viendros pos plutôt d’Marseille?

- J’exagère un peu mais nous étions bien secoués comme des noix dans un sac.

- Vindious cha dû ête terripe !

- Terrible, tu l’as dit mais il y avait un côté positif : c’est que Nina était agrippée à moi comme une sangsue. En quelque sorte, j’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé pour cette croisière.

- Té perds pas le Nord ti !

- En fait je ne savais pas où j’allais ni au nord ni au sud.

- Nin, j’ voulos dire que t’as la chuite dins les idées *!

- Ah bon d’accord, bref je décidai donc d’envoyer une fusée de détresse. Alors, à ce moment-là, je crie à Nina : « Tiens la barre, moi je vais lancer une fusée ! »

- T’avais prévu des fusées !

- Eh oui, tout un stock et de toutes les couleurs et de toutes les formes pour faire un petit feu d’artifice, les filles adorent ce genre de choses. Mais je n’ai pas eu le temps de craquer une allumette qu’une vague énorme m’emporta par-dessus bord.

- Non d’eune pipe in bos, ch’est horripe !

- Oui horrible ! Surtout que ce n’est pas bon de se baigner après un repas et puis le costume de capitaine n’était pas à moi, je l’avais loué pour l’occasion et je craignais pour ma caution.

- Cha ch’est sûr et inchuite ?

- Ensuite, nous criâmes nos prénoms dans la nuit et puis plus rien, le trou noir, j’ai repris connaissance sur la plage grâce à tes bons soins.

- Bin min gaillard, mi à t’plache, ej cros bin j’auros fini gonflé comme eune chiterne. »

Gabou s’est tu un instant par l’émotion qui l’étreignait et dont le récit avait coupé le souffle à Guylain. Enfin, tout finit bien pour Gabou qui a échappé belle à la noyade et qui a trouvé chez Guylain un ami. Mais une question se pose maintenant : « Qu’est-il arrivé à Nina ? »

Après ce récit rocambolesque, les deux compères décidèrent de se mettre à la recherche de Nina. Alors Guylain se leva de sa chaise et dit d’une voix claire et puissante:

« Mi j’ay eune idée : in va artourner sur l’plache.

- Bin, pourquoi faire ?

- Pou  caresser les rivages lumineux.

- Comment ? Mais dis-moi tu parles comme un seigneur maintenant !

- Je sais. Té diras cha à m’tante Rose qui dit toudis que j’pale ma.

- Bon d’accord, continue. Pourquoi veux-tu aller sur la plage à part pour caresser les rivages lumineux?

- Pou treuver in séquoi* sur Nina. Et pis comme in dit par ichi, i faut toudis s’fier à s’preumière idée surtout quand in n’a qu’eune ».

Guylain avait bien parlé, enfin bien pensé, c’était bien par la plage qu’il fallait commencer les recherches: si les courants ont conduit Gabou à Wissant, il en est peut-être de même pour Nina. Mais la nuit tomba et nos souris durent se résoudre à attendre le lendemain pour l’opération baptisé ‘Rivage caressé’ par Gabou. Guylain n’était pas un grand cuisinier sauf pour les desserts et voyant le départ imminent, il se dit qu’il était peut-être temps de finir le pain rassis.

« C’soeir, j’fais du pain ferré* ! Quo qu’té souques* Gabou ?

- Ferré ? D’accord. Veux-tu un commis ?

- D’accord commis ; i m’faut un *, eune trinque ed pen’ye*, du lait et dal cassonate*. Pis un bol et eune payelle*. Compris commis ?

- Non rien compris chef. »

La soirée se passa à merveille. Gabou et Guylain firent plus ample connaissance autour de leur pain perdu accompagné d’un petit champagne du pauvre : une bonne bière nordique tout simplement.

 

Aides pour la compréhension :

idées : se prononce iday comme tous les [  ] ‘è’ ouverts.                        ferré : perdu

souquer : penser                                                                                  oé : œuf

pen’ye : pain                                                                                        cassonate : cassonade  vergeoise

payelle : poêle


20/11/2016
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