Banque chtimi : une banque de mots chtis

Chapitre1: Episode 1


Episode 1

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Chapitre 1 

Episode 1 : la rencontre

 

Il y a eu un terrible orage en mer cette nuit, d’une violence incroyable. Tous les éléments étaient déchaînés : Zeus, avec sa pluie battante a inondé quelques cuisines, Jupiter, par quelques éclairs luisants, a fait sortir toutes les fioles d’eau bénites des placards et Eole, de rafales en mini-tornade, a dégarni quelques granges de tuiles mécaniques. Face à ce spectacle de désolation, la population s’est calfeutrée dans ses intérieures et a fait fonctionner plein pot, cheminées, poêles à charbon et radiateurs en tout genre. Mais comme on dit par ici : « Après ce temps-là, ce sera l’autre » et tout est redevenu paisible. Sur la plage de Wissant, perle sauvage de la côte d’Opale, se promène Guylain une ch’ti souris qui cherche ce que la providence a envie de lui offrir en ce jour de janvier. Il se rappelle qu’une fois un Parisien, qui l’avait pris pour un verrotier, lui avait acheté un litre d’eau de mer pour soigner ses rhumatismes. Ce remède lui fit tellement de bien qu’il revint à Wissant pour acheter davantage d’eau de mer et Guylain se fit pas mal d’argent. Mais un jour de marée basse, le pauvre homme s’en retourna déçu dans la capitale pensant que Guylain, le verrotier, avait tout vendu. Quelque soit le temps, Guylain aime arpenter l’immense baie de Wissant qui s’étend tel un croissant de sable du blanc nez au gris nez*. Pour ceux qui savent regarder et s’émerveiller tel un petit enfant, tous les jours un nouveau spectacle se joue sur cette scène. Même si tout est redevenu calme, il persiste encore de grosses vagues qui viennent déferler bruyamment sur le sable pour se retirer tout doucement en fins liserés d’écume. Près de l’eau, un groupe de mouettes rieuses, attire son attention : une chose inerte repose sur le sable. Qu’est-ce donc ? Guylain s’approcha s’attendant à trouver un objet insolite mais à sa grande stupéfaction, il découvre une souris allongée, inerte et terriblement pâle. Il comprit vite le drame qui se passa cette nuit-là : un malheureux avait sans doute été victime de son insouciance. Cependant, il reste peut-être un espoir alors, sans perdre une minute, il s’agenouilla à côté de la victime et, se parlant à lui-même dans un curieux langage, il murmura :

« Ch’ti-làl*, i a beu à grinde tasse*. » Puis après avoir posé son oreille contre la poitrine du naufragé il exclama :

« Vains de dious*, i est cor in vie ! ». Guylain, tout en gardant son sang froid, s’affaira pour ranimer cette pauvre souris dont la chance venait de lui sourire. Après quelques bouche-à-bouche et massages cardiaques, le naufragé toussa bruyamment, cracha l’eau de ses poumons et ouvrit timidement les yeux. Puis le temps de retrouver ses esprits, il dit faiblement :

- Où suis-je ?

- Bin min tchiot gars, t’as bin dal* chance. Si j’aveus* pons été là, asteur* té sereus* au ciel. Après l’compagnie des sirènes, t’aureus* treuvé* chelle des anches*. »

Se passant l’auriculaire dans l’oreille pour y chasser l’eau salée, le naufragé reprit :

« Je ne sais pas ce que tu m’as dit mais je sais que je te dois la vie ; comment te remercier ?

- Ch’est un brin quien*, t’aureus fait l’mimme* cosse* à m’plache. 

- C’est sûr, mais dis-moi où suis-je ?

- T’es à Wissant dins ch’Pas-de-Calais*.

- Dans le Pas de Calais, tu veux dire dans le grand Nord glacial ?

- Nan, pons si glacial euq cha, dins l’plat pahi quo !

- Dans le plat pays, mon Dieu quel voyage !

- Ecoute, té vas venir à mason, in sera miux* pour paler ed tout cha. Et pis ej cros bin qu’i faut qu’t’arprennes* des forches.

- Volontiers, mais dis-moi comment appelles-tu ?

- Mi, ej me lomme* Guylain et ti ?

- Moi c’est Gabou, content de te connaître.

- Mi auchi Gabou, ej chus fin bénache*, binvenue dins min coin.»

Sur ces mots, Guylain aida Gabou à se relever et emmena son nouveau compagnon chez lui.

 

Aides pour la compréhension :

Le cap Blanc nez culmine 132 m et le cap gris nez à 50 m.         boire à grinde tasse : se noyer  

Vains de dious : Cette expression s’utilise comme « Bon sang ! ». Elle a été  considérée comme un blasphème jusqu’en 1950 alors qu’aujourd'hui elle est couramment utilisée et complètement séparée de son sens premier.

ch’ti-làl : celui-là                                                                       dal : de la                    

asteur : maintenant    (à cette heure à à c’t’heure à lexicalisé à asteur)

j’aveus : j’avais                                                                        t’aureus* treuvé* : tu aurais trouvé

anches : anges                                                                        un brin quien : c’est pas grand-chose

Mimme : même                                                                       cosse : chose

Pas-de-Calais : se prononce Pos-d’Calay                                   miux : mieux

qu’t’arprennes : que tu reprennes                                               lommer : nommer

fin bénache* : très heureux  (bien à mon aise)

 


20/11/2016
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