Banque chtimi : une banque de mots chtis

Episode 15

Episode  15 : ch’provision

 

 

Après un long moment d’attente, nos souris se retrouvèrent équipées des oreilles à la queue. Elles ont du rechange, de quoi faire du camping, de quoi se situer dans la région et tout cela pour un certain prix : Fefer a le sens de l’humour mais aussi celui des affaires. Enfin, il ne restait plus qu’à trouver quelques provisions pour la route. Nos souris croisèrent à nouveau la musaraigne toujours avec un sac de vers sur le dos. Ernestine l’interpella de nouveau :

« Eh biloute, d’où ch’est in peut treuver un magasin d’alimintation ?

- J’connos un fouan qui vind des viers gras comme une …. .

- une taupe, finit Nina. Non, nous ce qu’on cherche c’est plutôt du fromage, du grain…

- Ah bon, pour cha, i faut aller amon* Sourismarché. Pour y aller ch’est simpe : té vas tout drot jusqu’à l’mason abandonnée, puis té tounes à gauche vers les poubielles munichipales, pis té prinds el deuxième à gauche au garage bleu, puis té vas incore tout drot, puis al cabine téléphonique té tournes à droite ou à gauche j’sais pus trop bin, à c’momint là, t’ardemandes à quéqu’un tin quemin. »

Les jeunes souris se regardèrent l’une l’autre car elles n’ont rien compris à ce charabia. Le mieux c’est de redemander à quelqu’un d’autre.

Nina reprend la conversation :

« - Mais dites-moi, vous aimez à ce point les vers de terre ?

- Oui ch’est savreux* mais toute n’est pas pour mi, ch’est pour eune tite fiête* chez un copain demain soir : eune sorte ed carnaval avint l’heure quo, si vos volez, os pouvez v’nir.

- Cha sera aveuc plaisi ; répond Ernestine, qui n’est pas la dernière pour faire la fête.

- Rindez-vous demain seoir à Audresselle d’in fort Vauban. »

La musaraigne donna l’adresse exacte à nos souris et reprit son chemin tout comme nos charmantes voyageuses.

Après plusieurs tours de la ville, nos souris arrivèrent enfin à Sourismarché. Elles prirent un caddie et le remplirent par beaucoup de barres de céréales, des corn flakes, de muesli et de pains aux céréales. Puis au détour d’un rayon, une délicieuse odeur de fromage excita leurs stimuli naseaux et les attira au rayon des fromages où un charmant monsieur, en blouse blanche et un gros couteau à fromage à la main, leur demanda.

« Alors mes demoiselles, que désirez-vous ? 

- In voudrot un assortimint ed fromaches du pahi, répondit rapidement Ernestine. Question très facile pour une souris.

- Dans ce cas, je pourrais vous en proposer une vingtaine. Je vous propose les plus connu : un maroille, un vieux Lille, une vieille mimolette* et une boulette d’Avesnes.

- Parfait, répond Ernestine, imballez tout cha sauf el Mimolette ch’est sera pour l’archener.

- Que veut dire « archener », demande Nina à Ernestine.

- Ca veut dire « le goûter ».

- C’est un mot que j’aime bien. Dis-moi Ernestine, en Bretagne nous n’avons pas beaucoup de fromage mais nous en avons un celui de l’abbaye de Timadeuc, veux-tu le goûter ?

- Bin-sûr, répond Ernestine, j’ai quer* tous ches fromaches du monte mais min préféré, c’sera toudis el craquegnon, el maroille quo ! 

- Toudis, c’est mignon.

- Oui cha veut dire toujours.»

Ca fera donc un fromage de plus pour nos petites gourmandes, beaucoup de céréales et de fromage semblent constituer le régime alimentaire des aventurières. Par la suite, elles continueront tranquillement leurs achats à faire des tours, des détours et des demi-tours dans tous les rayons de ce souris-marché. Elles n’oublièrent pas non plus de s’acheter un petit déguisement pour le carnaval du lendemain soir. Ainsi, nos souris sont entièrement prêtes pour l’aventure.

 

Aides pour la compréhension :

amon : chez  (vient de à la mason de)                                       savreux : savoureux

fiête : fête                                                                               J’ai quer. : J’aime.

Mimolette=vieux lille


28/10/2018
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Episode 14

 

Episode  14 : Le Portel

L’organisation

 

Les deux souris s’éloignèrent du château, ce lieu devenait trop risqué pour elles. Milord avait sans doute appelé la garde à son secours et peut-être bien, constitué une armée de mercenaires composée de chouettes et de hiboux sanguinaires. La nécessité de trouver un endroit sûr s’imposait alors. Alors nos souris choisirent la facilité et s’installèrent dans un groupement de poubelles à quelques encablures de là. Le coin était sale certes, mais bien tranquille. Nos souris se confectionnèrent un abri de fortune avec des cartons qui étaient là et allèrent se coucher. Nina se mit à faire de drôles de rêves car dans sa tête tout se mélangeait : des chats habillés en capitaine, des crevettes au garde-à-vous, sans oublier Gabou qui était devenu châtelain et qui parlait un mélange de ch’ti et d’anglais. Au petit matin, Ernestine alla, une fois de plus, réveiller son amie qui comme d’habitude ronflait comme un cochon. Au petit matin, elles trouvèrent un bon morceau de brioche périmée d’une journée qui leur procura un copieux petit-déjeuner. Comme elles ont tout laissé au château et qu’elles n’ont pas envie d’y retourner, elles décidèrent de se rééquiper en tout. Alors Nina prit un crayon et fit une liste : il faut des vêtements chauds, du matériel de camping, une carte précise de la région et aussi de quoi manger. Ernestine connaît une bonne adresse : une petite boutique à Le Portel où l’on trouve de tout. Les voilà donc parties d’un pas assuré. Après quelques heures de marche, elles arrivèrent sur place, Ernestine ne retrouva plus la boutique en question, pourtant elle est sûre de l’adresse.

« Il faut qu’in aille boulevard Rieu de Cat, ch’est eune rue derrière el digue.

- Quel drôle de nom de rue !

- Avint ches pêqueux n’aimotent pas gramind ches souris !

- Ah bon et pourquoi ?

- Parce que nos taïons faisotent des trews dans leu filets !

- Ah bon, heureusement que les temps ont changé et qu’on n’est plus obligé de manger des filets : Je préfère de loin le maquereau et la bonne tarte au chuc.

- T’as bin raison, allons d’minder note quemin à un brafe mais si possipe pons à Rieu ch’cat. »

Nos touristes rencontrèrent une petite musaraigne avec un gros sac sur le dos. Ernestine l’interpella:

« - Eh salut biloute, in cache ch’rue Rieu de cat, té sais d’où qu’cha s’troufe ?

- Ch’est tout simpe, té vas tout drot, pis té tounes à drote pis volà, t’y es dins l’rue.

- Marci, dis-me quo qu’i y a dins tin sac ?

- Des viers pour min casse-croûte.

- Des vers beurk ! Reprirent en choeur nos souris. Merci et bon appétit. 

- Dis-moi Ernestine, tu ne prononces pas le « oi » ?

- En fait oui et non, l’accint fait qu’in intend des [ o ] et pos des [ oi ].

- Eh que veut dire biloute ?

- Biloute ch’est commint dire ? Un garchon qui a un tchiot vier dins s’maronne* ! »

Nos voyageuses finirent par trouver la rue « Rieu de cat ». Cependant elles n’étaient pas rassurées. Elles s’imaginaient voir bondir sur elles un ancêtre de Rieu ou bien un cousin lointain de Milord. Après quelques pas de souris, nos voyageuses arrivent enfin au lieu dit; la musaraigne, mangeuse de vers, les avait bien renseignées. Sur le panonceau était écrit : « La souricière d’Ali Baba ». « Tiens avint cha s’appelot La taupinière d’Ali Baba , cha a dû cangé* ed propriétaire ! » fit remarquer Ernestine à Nina. En poussant la porte, retentit un « Miaou, Miaou ! » ce qui bien-sûr fit sursauter nos petites aventurières. Une vieille souris, sortie d’une boîte d’allumettes, rassure nos souris : « Ch’est rin mes gins, j’ay rimplaché l’cloquette par un signal électronique qui fait Miaou, ch’est rigolo non ? ». Même si nos souris ne manquent pas d’humour, elles ne raffolent pas trop ce type de plaisanteries. Enfin à première vue, ce magasin porte bien son nom : il y a des étagères partout sur lesquels sommeillent un tas d’objets, il y a aussi des choses qui pendouillent au plafond et des cartons qui traînent dans les allées … bref un vrai capharnaüm.

« Mi ch’est Fefer et ch’est Fefer y a des affaires à faire ! .Alors mes jolies que désirez-vous ? Ici il y a d’tout sauf des tapettes à souris bien intindu, ricane le vendeur.

- Dites-me m’sieur Fefer, quo qu’est devenu l’ancin propriétaire ?

- I a vindu car i aveut l’berlu* ch’pauf fouan*.

- Ah bon et quo qui fait-il asteur ?

- I vind des viers et des asticots.

- Pour ches pêqueux d’ch’Portel ?

- Nin pour ches musaraignes. Mais dites-me quo qui vos amène par ichi ?»

Alors Nina sort sa liste et essaie de parler patois.

- Alors, on voudrot des habits quauds, du matériel ed camping pis une cart’ delle région.

- Ch’est bin, lui dit Ernestine, vingt sur vingt.

- Tu prononces le « t » de vingt.

- Eh oui, ici in bot du vin et in compte les vingt.

Voilà le vendeur parti à l’assaut de ses cartons. Nos jolies souris entendent des : « Ch’est pas là !» où alors « ch’est pas là non plus !» ou encore « Vindious, d’où ch’est j’ay ringé chà mi ! ».

Pendant ce temps là, au moins vingt bonnes minutes, nos jolies souris attendent patiemment assises sur des cartons qui traînaient là. Excédée par l’attente, Nina dit :

« Quel dallache, eune vaque n’artrouvrot pons sin viau! »

Nina rit. « Je crois avoir compris, dit-elle, vous avez des expressions vraiment amusantes par chez-vous. 

-C’est bin vrai, dit-elle, j’vas t’en apprinne eune aute. Té vos Fefer i raconte des carabistoules* donc in peut dire : Ch’ti-lal i est né in Bétanie !.

- Bétanie ?, reprend Nina

- Bin oui Bêtanie !, j’cros bin ti auchi t’es né à Bêtanie mais pos dins l’minme provinche.

- Moqueuse, lui répondit Nina qui vient de comprendre.

- Quind ej’vos chet indrot, cha m’fait pinser à eune histoere ed Cafougnette.

- C’est qui Cafougnette.

- Cafougnette ch’est le personnage de Jules Mousseron un artiste patoisant dalle région qui fait toudis des bêtisses. Alors acoute chà, té vas rire :

« Ch’est Cafougnette qui va dins ein' animalerie et d'minde à commerchant:

- j'voudros ein' douzaine ed' souris, des rats, quelques cafards et eeeuhhhh... vous n'aurotes pas des araignées.

Mais quô qu'ch'est vous allez faire avec cha ?

- Ch’est min propio, qui m'deminde ed rindre l'mason dins l'état qu'j'lai eu... »

Et nos deux souris se mettent à rire aux éclats et à ce moment là on entend quelque part dans le magasin un grand « ahhhh ». C’est Fefer qui a dégringolé d’une étagère et se retrouve étalé comme une carpette, un carton de vêtement sur la tête.

« - Bravo, vous avez trouvez des vêtements, continuez ainsi  » reprirent en chœur nos souris. Il faudra encore vingt minutes pour trouver le matériel de camping. Quant à la carte de la région pas moyen de la localiser. Quand soudain Nina s’écrit : «Ne cherchez plus Fefer j’ai les cartes sous mon derrière ». Cette petite rime fit rire nos clientes ainsi que Fefer, friand de ce type d’humour, en fait Nina était, depuis le début, assiste sur le carton en question.

 

Aides pour la compréhension :

maronne : pantalon

la berlu : loucher                                                                      carabistoules : sornettes


28/10/2018
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Episode 13

Episode 13 : Hardelot

L’invité surprise

 

Après ce petit détour à Montreuil, nos souris se concertèrent à deux fois quant à la direction à prendre. La carte, égarée au fond du sac, a vu enfin le jour ainsi que la boussole paumée dans la pochette de la trousse de toilette. Cette dernière a bien indiqué le Nord et c’est sans détour supplémentaire qu’elles arrivèrent enfin à Hardelot. Durant ce voyage, Nina a pu découvrir la campagne du Pas-de-Calais bien différente de sa région. La nature est riche de collines et de prairies verdoyantes que les rivières ont modelé à leur guise. Ernestine ne fait pas visiter le plus vilain coin de la région car cet endroit « le Pays des 7 vallées » est surnommé le jardin du nord. Après la belle campagne, la belle Hardelot. Nina fut émerveillée par le magnifique front de mer de la station avec ses belles villas dans un style qui lui était jusqu’alors inconnu. « Les toits sont curieux, se dit-elle, et les ardoises ne sont pas bleues comme chez moi ». Elle se demandait bien dans quel palace Ernestine l’emmenait. Elle se disait dans sa tête : « Celui-là doit avoir une cave énorme et celui-ci un grenier extraordinaire, sans parler des garde-manger qui doivent être bien achalandés. ». Mais Ernestine ne s’arrêta point et poursuivit son chemin en direction de la campagne. Elles quittèrent donc le charme balnéaire pour s’engager à travers les prairies, les marais, les boqueteaux et les étangs. Puis après avoir visité tout un ensemble d’écosystèmes bien différents, elles arrivèrent à destination : le château d’Hardelot. En le voyant avec son style anglo-saxon, Nina dit :

« Es-tu certaine que le Pas-de-Calais est à côté du Morbihan. Tout est si différent?

- Bin-sûr Nina, mais ichi l’architecture varie biaucoup, parfos ch’est espagnol, parfois flamind, parfois français et parfois inglais comme ichi.

- Ton frère serait-il l’heureux châtelain ?

- Non, ch’est juste el concierche. Par conte, el proprio ch’est un inglais, i s’lomme* Sir John, i m’fait rire aveuc eus guife ed tomate, ches oreiles décollées, pis s’accint ed drôle, té devrais intinte chà, ch’est à mourir ed rire. »

Ernestine ne se rendait pas compte que le sien l’était tout autant et que son petit ciré jaune n’arrangeait pas les choses. Ces vieilles pierres rappellent la Bretagne de Nina, elle y retrouve un peu de son pays si loin  mais pourtant si présent dans son cœur comme dans celui de tous les Bretons. Malheureusement, le frère d’Ernestine était parti en vacances et elles ne purent le rencontrer. Ernestine donna à Nina quelques recommandations d’usage. Dans ce château, il y a plein de cachettes et plein de choses à grignoter cependant, il y a aussi du danger, certaines parties en ruine menacent de s’écrouler et puis il y a d’autres occupants : des rats dans les oubliettes qu’il ne faut pas trop embêter, des chouettes dans le grenier qui raffolent des souris sans oublier les chats qui depuis des siècles continuent les tours de gardes sur le chemin de ronde. Ces recommandations glacèrent le sang de Nina mais Ernestine sut la réconforter.

« Quel beau château, dit Nina, me feras-tu visiter ?

- Pour ches vêpes*, chi té veux bin, d’abord, te vas t’récauffer* près de ch’poêle à carbon. Pis té vas faire un chouqué*, comme chà té seras bin arposer. Mi pendant c’timps là, ej vas faire l’popote et pis insuite… » . Nina peine à comprendre Ernestine et la regarde avec de grands yeux ébahis et la bouche grande ouverte.

« - Freume teute bouque, tin nez i va querre en dins*. Oh ti, min tchiote, té comprinds rin à chou qu’ej raconte ?

- C’est vrai tu as deviné, pourquoi dis-tu « réchauffer » et « carbon » ?

- Parce qu’ichi, le « ch » se prononche [ k ].

- Ah d’accord, j’ai compris ! Tu veux que j’aille me couquer?

- Ch’est ça, té vas t’arposer un brin*. Pindant s’timps là, mi j’ vas préparer ed quo arprinne* des forches.

- Merci Ernestine. Bon et bien, j’ y vais alors patronne ! »

Sur ces derniers mots, Nina alla se reposer car cette marche interminable l’avait complètement épuisée. Avant de fermer les yeux, elle revit dans sa mémoire son beau capitaine.

En la regardant s’endormir, Ernestine se dit : « Volà, ces yux is s'freumetent, grind'mère al poussière alle passe.* » Puis après un tour de la grande aiguille, elle alla réveiller son hôte qui dormait comme un loir et ronflait comme un blaireau après avoir englouti une grosse poule. Malheureusement, ces ronflements ont alerté le chef de la garde : un chat gros et vieux du nom de Milord qui a pour mission de maintenir l’ordre dans l’enceinte du château. Ces bruits vrombissant font désordre : on n’entend plus le vent souffler dans les cheminées ni les planchers craquer. Soucieux de rétablir l’ordre britsh; il se mit donc à la recherche du trouble-fête.

« Rinville-te* Nina. Arrête un pew ed soïer des bûques. Viens à tape, lui souffle Ernestine à l’oreille. » Nina se réveilla et s’étira tout doucement.

« - Bonne idée, lui répondit Nina tout en bâillant et s’étirant, j’ai hâte de découvrir ce que tu m’as préparé de bon.

- Té vas vir*, j’t’ai préparé eum espécialité, j’espère que t’aimes toudis ches sautrées.

- Oh oui, je me lèche déjà les moustaches ! »

Ernestine présente son menu : en entrée soupe de crevettes, puis en plat de résistance croquettes de crevettes -car tant qu’il y a des crevettes à pêcher tant qu’il faut les cuisiner- et en dessert, tarte aux pommes. Milord ne mit pas longtemps à localiser nos petites gourmandes, rien de plus facile pour un officier de son rang. Il faut tout simplement remonter l’odeur des crevettes jusqu’à la source. Comme tout chat qui se respecte, ce gardien adore les croquettes surtout celles aux crevettes, le menu est donc parfait enfin presque, seul le dessert ne lui convient guère, mais il est facile de remplacer les pommes de la tarte avec des souris pour faire une succulente tarte aux souris. Milord bondit tel un diable de sa boîte et sauta en plein milieu des plats créant un effet de panique chez nos souris. Tout vola en éclat même les crevettes dont certaines se retrouvèrent suspendues à ses moustaches. En un éclair, les souris prirent leurs jambes et leur queue à leur cou et filèrent à toute allure dans les couloirs du château : c’est une course effrénée qui s’ensuit. Heureusement pour elles, Milord est un vieux matou gros et gras ; dans son plus jeune âge, il ne lui aurait pas fallu plus d’une seconde pour attraper les souris et toute autant pour les croquer. Ernestine et Nina coururent à toute haleine en direction du parc à l’affut d’une cachette où elles pourraient semer ce gros moustachu. Mais elles le sous-estimèrent car même dans le parc, Milord ne lâcha pas d’un coussinet son dîner. C’est alors d’Ernestine eut une idée de génie : elle entraîna tous les participants de la course à l’intérieur d’un canon. Pour Milord ce fut l’arrivée car il resta coincé dans le fût alors que les deux souris purent sortir tranquillement par le trou de la mèche.

- Ouh, dit Nina, on l’a échappé belle.

- Té l’as dit, des fos ch’cat i est dins t’horloche* pis d’aute fos i est dins canon. 

- Pourquoi dis-tu ça.

- Pour rin, j’t’expliquerai un jour. »

- En tout cas, tu veux que je te dise, ce gros chat c’est vraiment un boulet.

- Cha c’est bien vrai, un gros boulet d’canon ! 

Les deux souris partirent bras dessus bras dessus, le ventre vide mais le cœur plein d’émotion.

La visite demandée par Nina s’était passée en vitesse accélérée. Enfin le plus important n’était pas les vieux meubles ni les vieilles tapisseries mais plutôt l’amitié grandissante entre ces deux souricettes.

 

 

Aides pour la compréhension :

se lommer : se nommer

vêpes : le soir   (anciennement vêpres)                                                 récauffer : réchauffer

chouqué : sieste                                                                                  un brin : un peu

freume teute bouque, tin nez i va querre en dins : Ferme ta bouche, ton nez va tomber dedans.

arprinne : reprendre                                                                              rinville : réveille

vir : voir

Ces iux i s'freumetent, grind'mère al poussière alle passe. : Tes yeux se ferment, grand-mère la poussière passe.

Grand-mère poussière est l’équivalent du marchand de sable. Autrefois dans les mines, les femmes étaient habillées avec des longues jupes et des tabliers bleus, un fichu (foulard) sur la tête pour les protéger de la poussière. Elles étaient donc couvertes de poussière. Sans doute par leur aspect repoussant, on a fait d’elles aussi des sorcières pour faire peur aux enfants et les empêcher d'aller jouer n'importe où.

Ech cat est dins t’horloche : le chat est dans l’horloge   (quand il y a une dispute dans un couple)


28/10/2018
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Episode 12

Episode 12 : L’école ed Montreuil

 

Le lendemain matin, Ernestine reproduit son plateau petit déjeuner de la veille pour le plus grand plaisir de Nina. Puis Ernestine avala sa salive et annonça à Nina :

-  J’ay cassé min puchette*

-Tu as cassé quoi ?

- Min épuisette quo. Alors y a pus rin qui m’artiens ichi et j’pars aveuc ti.

-Tu pars avec moi ? »

Ernestine hôcha la tête en signe d’affirmation et toute heureuse de cette nouvelle, Nina bondit de joie dans les bras de sa nouvelle amie. Le plateau bondit lui-aussi et chacune des souris eut le droit d’avoir une tartine au beurre collée à son museau. Cette nouvelle pressa la nouvelle troupe qui dût réfléchir quant à la direction à prendre. Gabou a sans doute échoué à son tour mais où ? Il faut donc partir sur la côte à sa recherche; c’est pourquoi Ernestine proposa de partir pour la ville voisine en remontant au nord : Hardelot. De plus, elle est ravie de s’y rendre car un de ses frères, qu’elle n’a pas vu depuis longtemps, y habite et pourra peut-être les aider. Elle se constitua un petit sac constitué essentiellement d’habits de rechange. En demoiselle bien intentionnée, Ernestine prépara le même sac pour Nina. Puis Ernestine cassa sa tirelire et nos souris partirent bien décidées sur la route d’Hardelot. En quittant la ville, Ernestine fit découvrir le centre Maréis où l’on peut y découvrir la faune et les fonds marins de la côte d'Opale. Ernestine le montre à chaque fois qu’elle a des invités, trop fière des traditions maritimes d’Etaples. La fleur au fusil, nos souris grimpèrent dans la première fourgonnette de la poste venue, pensant qu’elles se rendent forcément toutes à Hardelot. Elles furent donc surprises de se retrouver à Montreuil. La déception n’est pas si grande car Montreuil est une charmante ville avec des maisons pittoresques, d’impressionnants remparts et d’une authentique citadelle. Pour Nina, Montreuil valait bien le détour. D’abord, elles visitèrent la basse ville avec ses petites maisons blotties les unes contre les autres sur le flanc du coteau pour ensuite franchir les remparts et atteindre les monuments remarquables. Nina qui aime grimper sur les murets, trottoir, rebords, … se résolut de s’essayer aux remparts malgré les mises en garde d’Ernestine. Se prenant pour une artiste de cirque, celle-ci clama haut et fort : « Maintenant dans votre ville, Nina, une artiste bretonne de renom. »Tout se passa bien jusqu’à ce qu’un coup de vent la fasse perdre son équilibre ce qui la fit trébucher. Heureusement que dans sa chute ; elle put se rattraper à une herbe qui avait posé ses racines entre deux pierres. Ernestine tenta tout ce qu’elle pouvait mais Nina était bien trop basse. Alors elle appela à l’aide. Un jeune homme accourut et comprit vite ce qu’il s’était passé. Alors il prit une branche qu’il tendit à Nina. Celle-ci put se hisser et revenir sur la chaussée. Quelle frayeur ! Cette petite visite de Montreuil aurait pu se finir d’une façon bien misérable. Ce jeune homme s’appelle Vigo* mais tout le monde le surnommait ‘Demi-queue’ suite à une mauvaise rencontre avec un chat. Après toutes ces émotions, Demi-queue qui habitait dans une école à deux pas de là, invita notre équilibriste du dimanche et sa copine chez lui. En chemin, elles firent plus ample connaissance, notamment en racontant leurs souvenirs de petites écolières. Elles se rappelèrent que les livres de mathématiques étaient meilleurs à grignoter que les livres de français, allez savoir pourquoi. Nina se rappelle qu’une fois, sa maîtresse lui avait donné un problème de calcul assez compliqué : « Sachant que pour faire une galette de blé noir, il faut    grammes de farine. Combien faut-il de farine pour faire 7 galettes. » N’ayant aucune idée, elle avait triché sur sa voisine, une brune du nom de ‘Le Floch’, mais aurait été dénoncée et obligée de porter le bonnet d’âne. Ernestine quant à elle, a fait pas mal l’école buissonnière : ses parents avaient besoin d’elle pour la pêche à crevette et dès qu’elle mettait une patte à l’école, elle devait s’agenouiller sur une brique dès qu’elle parlait patois. Tout en bavardant, nos souris de retrouvèrent en un rien de temps à l’école. Demi-queue n’habite pas au chaud dans une classe mais dans le grenier où sont entreposés les vieux livrets scolaires et les accessoires des Kermesses. Demi-queue en plus d’être fort, était charmant, très cultivé et drôle. Il a une règle d’or : « Ne jamais manger un livre sans l’avoir lu. » Il connaît un tas de choses dans tous les domaines et notamment en littérature où Victor Hugo est l’un de ses auteurs préférés comme Henri Vicard qu’il aime réciter:

 Din min garnier      ch’est l’tite.

Din min garnier, y a des bell' tit' soris

Aveuc des moustaches et des p'tits yus gris

Quand j'arriv', is m'font fêt',

y court, y rintr' bien au ciau

Din des vius cotrons ou des vius capiaux.

J'en voudrais jamais fair' ed mau

A des bell' tit' bêtes comm' cho. 

Il reste à Vigo un peu de matelote de maquereaux et de la tarte au suc, suffisamment pour remplir deux petits ventres affamés.

Nos souris passèrent encore une agréable soirée et une douce nuit. Le lendemain sur le chemin d’Hardelot, et le bon cette fois-ci, Ernestine dira :

« I éteut amiteux comme tout.

- Amiteux, tu veux dire aimable.

- Oui ch’est cha, dins note patois, certains mots ont fondé des familes différintes.

- J’ai remarqué que tu ne prononces pas toujours le son « ill »

- Ch’est bin vrai, en ch’ti le son « ille » se prononce « le » et certains « le » se prononce « ille » comme écoille* par eximpe hein.

 

 

Aides pour la compréhension :

Vigo : contraction de Victor Hugo


28/10/2018
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Episode 11

Episode 11 : Etaples-sur-mer

Fiête du héring ro*

 

Le lendemain matin, Ernestine vint réveiller son hôte tout en douceur. Elle s’était levée un peu plus tôt pour préparer à son invitée un bon petit déjeuner servi sur un plateau. Elle avait pris le soin d’ajouter une petite fleur des prés dans un verre en guise de vase. « Cette petite intention ne pourra que lui faire plaisir », se dit-elle. Elle posa le plateau sur son chevet puis, tout en lui caressant la joue, elle chuchota à l’oreille de Nina :

« Déjouque*-te, déjouque-te Nina !»

Nina ouvrit progressivement les yeux, soupira longuement et s’étira comme un gros chat sur son paillasson. Puis avec un grand sourire, elle balbutia :

« Comme j’ai bien dormi ! Pourtant j’ai eu du mal à trouver le sommeil tellement j’étais tourmentée par toute cette histoire.

-Et bin mi, j’éteus tourmintée par tes ronflemints.

- Je suis désolée.

- Asteur*, c’est l’fiête du héring* ro ; cha va t’canger* les idées*. Mais avint, i faut j’aille vinte mes sautrées. Té veux venir aveuc mi ?

-Volontiers Ernestine.»

Le programme de la journée s’annonçait bien surtout la seconde partie. Nina aida Ernestine à préparer son étal. Ce fut très rapide car mis à part la tablette et le panier à crevettes, Ernestine ne disposait que d’une pinte en inox et que d’une ardoise pour afficher le prix de la pinte de crevettes. Ce matin-là, les clients ne se bousculèrent pas à l’étalage sans doute repoussés par le vent d’amont*. Nos souris pour autant ne perdirent pas leur temps car elles eurent tout le loisir de faire plus ample connaissance. Une vieille dame bossue n’ayant plus ses deux dents de devant, vint à passer par là ; elle jeta un coup d’œil sur la marchandise et s’adressa à Ernestine :

« Cha va ti Ernestine ?

- Mi cha va et tisaute commint qu’alle va ?

- In fait aller, in fait aller. »

Nina les observa ; ce ch’timi était bien curieux par son accent et ses tournures de phrase.

Puis la dame reprit :

« Sins t’comminder*, té m’mets eune demi-life. »

Ernestine donna un peu plus à la vieille dame et elles continuèrent à bavarder jusqu’à ce qu’arrive le client suivant. Bientôt il s’amassa une petite foule près de l’étal d’Ernestine en train de parler du pays. Une fois le panier vide, chacun se salua longuement avant de regagner ses pénates. Ernestine aime bien son métier et ça se voit. Elle est d’une grande gentillesse et dégage beaucoup de tendresse autour d’elle. Il est fort probable que ces vieilles personnes viennent pour elle et non pour ses crevettes. Puis Nina et Ernestine se pressèrent de se rendre à la fête du hareng d’or. Cette petite animation tombait à pic pour remettre un peu de joie dans le cœur de Nina encore toute fragile. Elles applaudirent tout d’abord un défilé de musiciens et de danseurs en costume traditionnel avant d’admirer des danses folkoriques. Sur les quais étaient installés de grandes tables sur lesquelles la foule dévorait des harengs grillés ou fumés avec des pommes de terre et des grosses tartines beurrées. Il ne fait pas très chaud en cette période de l’année si bien que les organisateurs avaient installé des braseros qui, à la nuit tombante, donnaient une lumière très chaleureuse à la fête. Les gens riraient, s’amusaient comme des enfants, certains chantaient des chansons de marins. Plus tard dans la soirée, Nina et Ernestine rentrèrent se coucher  la tête pleine d’images, d’odeurs, de visages  et de rires. Cette petite fête marque aussi les cœurs car entre Nina et Ernestine vient de naître une grande amitié. Avant de regagner son lit, Nina prit le temps de dire un immense « Merci » à Ernestine. Elle avait trouvé en elle, une personne très accueillante qui n’avait pas hésité une seule seconde à lui tendre la main et lui ouvrir les portes de sa maison pour lui donner tout le réconfort qu’elle avait besoin.

 

Aides pour la compréhension :

fiête du héring ro : fête du hareng roi                                          déjouque-te : lève-toi

asteur : aujourd’hui   littéralement à cette heure   lexicalisé sous la forme asteur

canger : changer                                                                     

vent d’amont     : vent du nord                                                   sins t’comminder = s’il te plaît

La fête du harieng d’or

Au mois de novembre, le hareng se jette en masses, sur les côtes et les filets des marins-pêcheurs. C'est la  bombance ! C'est le hareng qui a épargné au Nord-Pas de Calais de subir les grandes famines qui frappèrent l'Europe jusqu'au XIXème siècle. On l'honore donc chez nous comme l'Homme fait partout dans le monde ... en le dévorant.

 


28/10/2018
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