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Episode 13


Episode 13

Episode 13 : Hardelot

L’invité surprise

 

Après ce petit détour à Montreuil, nos souris se concertèrent à deux fois quant à la direction à prendre. La carte, égarée au fond du sac, a vu enfin le jour ainsi que la boussole paumée dans la pochette de la trousse de toilette. Cette dernière a bien indiqué le Nord et c’est sans détour supplémentaire qu’elles arrivèrent enfin à Hardelot. Durant ce voyage, Nina a pu découvrir la campagne du Pas-de-Calais bien différente de sa région. La nature est riche de collines et de prairies verdoyantes que les rivières ont modelé à leur guise. Ernestine ne fait pas visiter le plus vilain coin de la région car cet endroit « le Pays des 7 vallées » est surnommé le jardin du nord. Après la belle campagne, la belle Hardelot. Nina fut émerveillée par le magnifique front de mer de la station avec ses belles villas dans un style qui lui était jusqu’alors inconnu. « Les toits sont curieux, se dit-elle, et les ardoises ne sont pas bleues comme chez moi ». Elle se demandait bien dans quel palace Ernestine l’emmenait. Elle se disait dans sa tête : « Celui-là doit avoir une cave énorme et celui-ci un grenier extraordinaire, sans parler des garde-manger qui doivent être bien achalandés. ». Mais Ernestine ne s’arrêta point et poursuivit son chemin en direction de la campagne. Elles quittèrent donc le charme balnéaire pour s’engager à travers les prairies, les marais, les boqueteaux et les étangs. Puis après avoir visité tout un ensemble d’écosystèmes bien différents, elles arrivèrent à destination : le château d’Hardelot. En le voyant avec son style anglo-saxon, Nina dit :

« Es-tu certaine que le Pas-de-Calais est à côté du Morbihan. Tout est si différent?

- Bin-sûr Nina, mais ichi l’architecture varie biaucoup, parfos ch’est espagnol, parfois flamind, parfois français et parfois inglais comme ichi.

- Ton frère serait-il l’heureux châtelain ?

- Non, ch’est juste el concierche. Par conte, el proprio ch’est un inglais, i s’lomme* Sir John, i m’fait rire aveuc eus guife ed tomate, ches oreiles décollées, pis s’accint ed drôle, té devrais intinte chà, ch’est à mourir ed rire. »

Ernestine ne se rendait pas compte que le sien l’était tout autant et que son petit ciré jaune n’arrangeait pas les choses. Ces vieilles pierres rappellent la Bretagne de Nina, elle y retrouve un peu de son pays si loin  mais pourtant si présent dans son cœur comme dans celui de tous les Bretons. Malheureusement, le frère d’Ernestine était parti en vacances et elles ne purent le rencontrer. Ernestine donna à Nina quelques recommandations d’usage. Dans ce château, il y a plein de cachettes et plein de choses à grignoter cependant, il y a aussi du danger, certaines parties en ruine menacent de s’écrouler et puis il y a d’autres occupants : des rats dans les oubliettes qu’il ne faut pas trop embêter, des chouettes dans le grenier qui raffolent des souris sans oublier les chats qui depuis des siècles continuent les tours de gardes sur le chemin de ronde. Ces recommandations glacèrent le sang de Nina mais Ernestine sut la réconforter.

« Quel beau château, dit Nina, me feras-tu visiter ?

- Pour ches vêpes*, chi té veux bin, d’abord, te vas t’récauffer* près de ch’poêle à carbon. Pis té vas faire un chouqué*, comme chà té seras bin arposer. Mi pendant c’timps là, ej vas faire l’popote et pis insuite… » . Nina peine à comprendre Ernestine et la regarde avec de grands yeux ébahis et la bouche grande ouverte.

« - Freume teute bouque, tin nez i va querre en dins*. Oh ti, min tchiote, té comprinds rin à chou qu’ej raconte ?

- C’est vrai tu as deviné, pourquoi dis-tu « réchauffer » et « carbon » ?

- Parce qu’ichi, le « ch » se prononche [ k ].

- Ah d’accord, j’ai compris ! Tu veux que j’aille me couquer?

- Ch’est ça, té vas t’arposer un brin*. Pindant s’timps là, mi j’ vas préparer ed quo arprinne* des forches.

- Merci Ernestine. Bon et bien, j’ y vais alors patronne ! »

Sur ces derniers mots, Nina alla se reposer car cette marche interminable l’avait complètement épuisée. Avant de fermer les yeux, elle revit dans sa mémoire son beau capitaine.

En la regardant s’endormir, Ernestine se dit : « Volà, ces yux is s'freumetent, grind'mère al poussière alle passe.* » Puis après un tour de la grande aiguille, elle alla réveiller son hôte qui dormait comme un loir et ronflait comme un blaireau après avoir englouti une grosse poule. Malheureusement, ces ronflements ont alerté le chef de la garde : un chat gros et vieux du nom de Milord qui a pour mission de maintenir l’ordre dans l’enceinte du château. Ces bruits vrombissant font désordre : on n’entend plus le vent souffler dans les cheminées ni les planchers craquer. Soucieux de rétablir l’ordre britsh; il se mit donc à la recherche du trouble-fête.

« Rinville-te* Nina. Arrête un pew ed soïer des bûques. Viens à tape, lui souffle Ernestine à l’oreille. » Nina se réveilla et s’étira tout doucement.

« - Bonne idée, lui répondit Nina tout en bâillant et s’étirant, j’ai hâte de découvrir ce que tu m’as préparé de bon.

- Té vas vir*, j’t’ai préparé eum espécialité, j’espère que t’aimes toudis ches sautrées.

- Oh oui, je me lèche déjà les moustaches ! »

Ernestine présente son menu : en entrée soupe de crevettes, puis en plat de résistance croquettes de crevettes -car tant qu’il y a des crevettes à pêcher tant qu’il faut les cuisiner- et en dessert, tarte aux pommes. Milord ne mit pas longtemps à localiser nos petites gourmandes, rien de plus facile pour un officier de son rang. Il faut tout simplement remonter l’odeur des crevettes jusqu’à la source. Comme tout chat qui se respecte, ce gardien adore les croquettes surtout celles aux crevettes, le menu est donc parfait enfin presque, seul le dessert ne lui convient guère, mais il est facile de remplacer les pommes de la tarte avec des souris pour faire une succulente tarte aux souris. Milord bondit tel un diable de sa boîte et sauta en plein milieu des plats créant un effet de panique chez nos souris. Tout vola en éclat même les crevettes dont certaines se retrouvèrent suspendues à ses moustaches. En un éclair, les souris prirent leurs jambes et leur queue à leur cou et filèrent à toute allure dans les couloirs du château : c’est une course effrénée qui s’ensuit. Heureusement pour elles, Milord est un vieux matou gros et gras ; dans son plus jeune âge, il ne lui aurait pas fallu plus d’une seconde pour attraper les souris et toute autant pour les croquer. Ernestine et Nina coururent à toute haleine en direction du parc à l’affut d’une cachette où elles pourraient semer ce gros moustachu. Mais elles le sous-estimèrent car même dans le parc, Milord ne lâcha pas d’un coussinet son dîner. C’est alors d’Ernestine eut une idée de génie : elle entraîna tous les participants de la course à l’intérieur d’un canon. Pour Milord ce fut l’arrivée car il resta coincé dans le fût alors que les deux souris purent sortir tranquillement par le trou de la mèche.

- Ouh, dit Nina, on l’a échappé belle.

- Té l’as dit, des fos ch’cat i est dins t’horloche* pis d’aute fos i est dins canon. 

- Pourquoi dis-tu ça.

- Pour rin, j’t’expliquerai un jour. »

- En tout cas, tu veux que je te dise, ce gros chat c’est vraiment un boulet.

- Cha c’est bien vrai, un gros boulet d’canon ! 

Les deux souris partirent bras dessus bras dessus, le ventre vide mais le cœur plein d’émotion.

La visite demandée par Nina s’était passée en vitesse accélérée. Enfin le plus important n’était pas les vieux meubles ni les vieilles tapisseries mais plutôt l’amitié grandissante entre ces deux souricettes.

 

 

Aides pour la compréhension :

se lommer : se nommer

vêpes : le soir   (anciennement vêpres)                                                 récauffer : réchauffer

chouqué : sieste                                                                                  un brin : un peu

freume teute bouque, tin nez i va querre en dins : Ferme ta bouche, ton nez va tomber dedans.

arprinne : reprendre                                                                              rinville : réveille

vir : voir

Ces iux i s'freumetent, grind'mère al poussière alle passe. : Tes yeux se ferment, grand-mère la poussière passe.

Grand-mère poussière est l’équivalent du marchand de sable. Autrefois dans les mines, les femmes étaient habillées avec des longues jupes et des tabliers bleus, un fichu (foulard) sur la tête pour les protéger de la poussière. Elles étaient donc couvertes de poussière. Sans doute par leur aspect repoussant, on a fait d’elles aussi des sorcières pour faire peur aux enfants et les empêcher d'aller jouer n'importe où.

Ech cat est dins t’horloche : le chat est dans l’horloge   (quand il y a une dispute dans un couple)


28/10/2018
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